mercredi 25 mars 2009

Critique - La fille du RER (A. Téchiné) - Justine



Lorsque les médias inspirent le cinéma…

Il y a cinq ans, une jeune femme porte plainte affirmant avoir été victime d’une agression à caractère antisémite dans le RER. Alors que le dossier est vierge, cette plainte entraîne un véritable tapage médiatique et une indignation nationale. Deux jours plus tard, cette femme avoue avoir inventé toute l’histoire…
Voici le fait divers dont s’est inspiré André Téchiné, sans en faire une simple retranscription, pour réaliser « La fille du RER », film sorti le 18 mars dernier

Tout d’abord, notons qu’André Téchiné ne tente pas d’expliquer l’attitude de la jeune femme, ici appelée Jeanne : nous sommes loin des leçon moralisantes, c’est à nous de choisir de ressentir ou non de la compassion pour Jeanne. Cependant, une chose est claire : le réalisateur critique ici notre société qui se nourrit de plus en plus des médias. Tout est aujourd’hui affaire de média. Un fait divers prend des proportions gigantesques dés lors qu’il est recouvert de tapage médiatique. Les gens gobent n’importe quoi tant que les journalistes l’ont clamé et pourtant ceux-ci vérifient de moins en moins leur source. Tant que l’information fait vendre…
Bref, une fois sortis de la salle de cinéma, nos yeux se font plus critiques face aux informations qu’on nous divulgue et c’est tant mieux !
Quand à l’atmosphère du film, elle est comme un mensonge est à porter : lourde. Des vibrations sourdes des roues des rollers de Jeanne à la scène de chat érotique sur internet entre cette dernière et son petit copain (interprété par Nicolas Duvauchelle), le spectateur est mal à l’aise.
Grâce au scénario subtilement parsemé de petits mensonges, le spectateur ne fait plus confiance à personne, il doute de tous les personnages et de toutes les relations. Comment ne pas être déboussolés quand notre héroïne charmante en tous points se retrouve à s’infliger entailles et croix gammées pour faire croire à un attentat raciste ?

Ce qui est remarquable aussi, c’est la façon dont Téchiné arrive à embellir des choses telles qu’une banlieue ou un RER. Pour cela, il s’aide de musique pop et d’une grande luminosité. Même la présence sonore et visuelle d’un RER semble harmonieuse. Une jeune fille en rollers sous un tunnel sombre devient une scène d’une poésie incroyable. Cependant, peut-être Téchiné est-il aidé dans cette transformation de l’ordinaire en sublime par son casting irréprochable : Emilie Dequenne en jeune fille un brin naïve et un poil mythomane tout d’abord, Catherine Deneuve en veuve pudique et digne, ainsi qu’en mère un peu perdue ou encore Nicolas Duvauchelle en jeune homme massif et sensible. Ce film est à la fois sombre et pourtant haut en couleur (notamment grâce aux scènes à la campagne en plein été) et cela crée une ambiance exquise et inhabituelle.

Cependant, la fille du RER manque quelque fois de subtilité et d’intensité. On aurait apprécié un côté plus politique, un suspense plus subtile quant à l’aveu du mensonge, un résultat un peu moins brouillon et surtout plus de pertinence dans les histoires parallèles. Pour conclure, Téchiné livre une film qui, malgré ces quelques défauts, est envoûtant souvent, insaisissable par moments, et passionnant globalement. C’est une œuvre particulière: ces qualités sont difficiles à préciser et à pointer du doigt et pourtant, après l’avoir regarder, on ne peut s’empêcher d’y repenser et d’y trouver de nouveaux questionnements. En bref, chef d’oeuvre ou pas, ce soulèvement de questions dans l’esprit du spectateur à le mérite d’éloigner «La fille du RER » de tous films médiocres et inutile!

Justine Rossius 6E