jeudi 11 décembre 2008

Critique - Inland empire (D. Lynch) - Justine




Nikki Grace est engagée pour incarner Suzanne Blue dans le film « On High Blues Tomorow » au coté de Devon Berk. Au milieu des répétitions, le réalisateur apprend à ses deux acteurs principaux que le film est enfaîte un remake et que l’original n’a jamais pu être terminé car les deux acteurs furent assassinés… Déconcertés, les deux acteurs continuent néanmoins de tourner des scènes passionnées. Une passion qui devient de moins en moins fictive… L’actrice, déboussolée par tant d’érotisme, va doucement oublier son identité et perdre sa capacité de distinguer ce qu’elle est et ce qu’elle joue, le vrai du faux, l’avant de l’après, l’ici de l’ailleurs,…

En signant ce nouvel opus, David Lynch réussi le pari de donner au cinéma la texture d’un rêve et de décrire l’innommable à l’aide d’une caméra.
On retrouve dans « Inland Empire » la thématique du rêve Hollywoodien déjà exploité dans « Mulholland Drive » ainsi que celle de la jalousie destructrice d’un mari jaloux exploitée dans « Lost Highway ».
Le tout englobé de paranoïa, de folie, d’irréalisme et de rêve.
Qui, mieux que Lynch, a la capacité de montrer en image le chao d’un inconscient tout en semblant s’adresser à notre propre inconscient ?

« Inland Empire » m’a fais décoller, m’immerger complètement dans un univers inexploré auparavant, dans un véritable monde appart et inconnu. Or, l’inconnu est inquiétant. Nous sommes conditionnés à vivre à l’aide de repères et la perte de ceux-ci amène à une sensation de crainte immense.
Lynch prend le risque de nous déconcerter, de nous dérouter pour mieux nous enchanter.
Il faut apprendre à apprécier l’incompréhensible, apprendre à se laisser transporter par l’irrationnel peu confortant. C’est le prix à payer pour sortir de la misère esthétique dans laquelle le cinéma industriel nous pousse…

Un cinéma industriel qui nous habitue a des images stéréotypées et dépourvues d’une quelconque originalité en matière de technique. David Lynch est peintre et « Inland Empire » est une œuvre d’art qui est difficilement compréhensible tant elle a de sens, des sens variants selon celui qui le regarde. Comme une peinture, la forme se fond complètement dans le fond. Une forme qui transgresse toute les règles du cinéma classique. Les règles sont transgressées avec un tel brio que la peur semble sortir de l’écran pour nous apprendre à la vaincre, que la moindre tache de Ketchup sur un t-shirt semble relever du fictif et que le moindre objet posé sur un meuble nous plonge dans l’horreur. Lynch joue avec les lumières, basculant de l’ambiance la plus sombre à la lumière éclatante. Il nous déboussole en floutant le visage de ses personnages ; il nous distancie de l’action à coup de plongée et nous déséquilibre en faisant trembloter la caméra.
« Le son transforme un univers » dit Lynch. « Inland Empire » démontre cette théorie d’un claquement de doigt.
Le célèbre paysage hollywoodien, synonyme de rêve et de gloire, perd tout à coup de son charme lorsqu’il est accompagné d’une mélodie angoissante…

Quand à l’histoire, nous nous perdons comme l’héroïne dans cette mise en abîme, dans ce film dans ce film. La caméra semble se moquer de nous en nous proposant des images hyperréalistes pour nous décrire des scènes de « « On High Blues Tomorow ». Nous vivons l’action sans pour autant s’identifier aux personnages car les personnages de «Inland Empire » sont plus fous les uns que les autres… Ils semblent avoir deux visages comme, par exemple, cette voisine âgée au regard sadique et aux paroles charmantes puis grossières, ou cette Nikki bien-elevée et équilibrée qui se transforme en une femme vulgaire et perturbée…

Regarder « Inland Empire », c’est comprendre qu’une profonde incompréhension et qu’une sincère délectation peuvent s’unir. Regarder « Inland Empire », c’est fermer les yeux sur une réalité trop prévisible, fermer les yeux comme on embarque pour le monde des rêves, le monde de l’inconscient imprévisible et mystérieux pour ensuite se réveiller avec un regard neuf sur le monde…

Justine Rossius 6E