jeudi 18 mars 2010

Critique - "Le cinéma made in Belgium n’est pas perdu…", Catherine D.


Qu'il est bon de découvrir un film frais et objectif sur la population maghrébine de Bruxelles ! 'Les Barons' est le premier film de Nabil Ben Yadir, un amoureux du cinéma anglais et des films populaires à la De Funès. Généreux, il nous fait partager ce plaisir d'un cinéma ludique, jamais affecté, toujours redécouvert avec des yeux d'enfants émerveillés. Et l’on sent entre les comédiens, l’équipe et le réalisateur, beaucoup de complicité, d’énergie et de joie à faire du cinéma, ce qui produit une belle aventure collective. Il est généreux aussi parce qu'il croque, en quelques coups de caméras, toute une galerie de personnages hauts en couleur (RG, Lucien, la mère d'Hassan…) sans jamais les caricaturer ni les trahir. Il les saisit dans leurs contradictions, leurs faiblesses et leurs peurs…

Pour être un baron, dans la vie, il faut être le moins actif possible. Il faut savoir une chose c’est qu’à la naissance t'as un compteur, chaque être humain naît avec un certain crédit de pas, et chaque pas te rapproche de la mort. Un Baron, c'est quelqu'un qui sait ça dès le départ, dès lors, il cherchera à économiser ses pas. Hassan, Aziz et Mounir sont trois barons de Bruxelles ; l'un veut faire carrière sur les planches, l'autre pionce au beau milieu des fruits et légumes tandis que le dernier vit d'accidents de voitures. Mais ce qui s'annonce comme une règle simple au départ finit par craquer ses coutures. Le baron le plus ambitieux, c'est Hassan. Son rêve c'est de faire rire. Mais « faire le clown », dans la famille, ce n’est pas à proprement parler un métier. Son père, employé à la STIB, rêve déjà de voir son fils bon époux, bon père, dans le bel uniforme bleu, conduisant le bel autobus jaune. Ah, les uniformes… Tout un programme dans lequel Hassan pourrait bien tomber… Mais il y a Malika, la belle Malika, la star du quartier dont il est amoureux depuis des années. Elle est présentatrice du journal télé, en guerre contre tous ceux qui pourraient l’empêcher de faire ce qu’elle désire, qui n’a pas la langue dans sa poche, mais qui, malheureusement, est la sœur de son pote Mounir. Et on ne touche pas à la sœur d'un pote, parce que la sœur d'un pote "c'est comme tes potes, mais avec des cheveux longs" Et puis Mounir, il voudrait qu'ils restent des barons, à vie. Ce qui ne colle pas avec son but. Parce que pour réussir, il faut quitter le quartier, mais on ne quitte pas le quartier, on s'en évade…

Les Barons fait fuser les vannes avec une gouaille généreuse, des mises en boîte efficaces et une verve parfois acide qui décrassent les sujets les plus épineux (le racisme, la virginité ou la religion) et les clichés tant attendus. Et sous ses airs bonhommes de comédie populaire, Les Barons est plus surprenant et riche qu’il n’en a l’air. Il regorge de petits plaisirs cinématographiques, de trouvailles, d’inventivités discrètes ou rocambolesques (la cartoonesque idée du « flashback », le sms en mime, les ralentis oniriques ou autres interventions de l’imaginaire) et de morceaux de bravoures.

Le film raconte ce petit cinéma qu'on se joue à soi-même et aux autres, pour échapper à ce qu'on est et se raconter autrement : car c'est ça, aussi, un baron, une fable qui retourne la condition en choix parce qu'elle la réinvente et l'habite. Et loin de faire l’apologie d’on ne sait quelle intégration foireuse, ce que le film transmet est profond. Tant est qu’on ait le courage de ses rêves envers et contre tous. 'Les Barons' exprime une certaine réalité avec ce rôle de victime que portent les protagonistes du film mais elle est amenée de façon originale et sincère afin de faire rire tout en balayant les préjugés. Certains détails ont été évités (drogue, armes, vols...) afin de rester dans le registre du comique et non du drame social. Une réussite sans précédent qui marquera les annales du cinéma made in Belgium.

Catherine Delmotte, 6A