samedi 15 mai 2010

Critique - "Une ronde incessante mais puissante.", par Laurie S.

A partir de la fusillade de Colombine, Gus Van Sant réalise un film fascinant, hypnotique et dérangeant. Cependant, ceux qui attendent du réalisateur des réponses sociologiques à cette tuerie lycéenne seront déçus. C’est en artiste qu’il va traiter cet évènement tragique.

Tout d’ abord, Gus Van Sant s’impose des limites formelles pour faire de son film un véritable objet cinématographique. A l’aide d’une caméra qui semble glisser le long des couloirs, le cinéaste use de longs travellings avant afin de suivre la trajectoire des différents ados dans leurs activités quotidiennes à l’intérieur du lycée quelques heures avant le drame, créant ainsi une atmosphère onirique qui fait du lycée un endroit plus fantasmé que réaliste.


Utilisant une structure en boucle, les mêmes scènes sont perçues de différents points de vue, les personnages s’entrecroisent faisant l’effet d’une ronde qui symbolise parfaitement l’ennui des lycéens.

Dans ces personnages typiques: on y rencontre le tombeur, la fille mal dans sa peau, l’ado solitaire sujet à la moquerie de ses camarades, le couple de tourtereaux, les filles qui se disputent pour n’importe quoi…La vérité qui émane de ses personnages, dans leur comportement comme dans leur dialogue vient d’un travail documentaire effectué en amont où les comédiens amateurs se sont livrés au cinéaste, participant ainsi à la construction du scénario ou improvisant les scènes.

Le temps déstructuré du récit va brutalement retrouver sa linéarité lors du massacre final d’une violence inouïe. Entre temps, Gus Van Sant nous aura montré le préparatif des deux ados futurs meurtriers dans l’unique flash-back du film. Le cinéaste offre des pistes mais se gardent bien de porter tout jugement.

Ce récit non explicatif laissera dubitatif les spectateurs qui aiment qu’on les prennent par la main et qu’on leur disent ce qu’ils doivent penser. Tant pis pour eux !

Ce film travaillé, réfléchi, a l'esthétique d'une richesse incroyable sous sa sobriété apparente, "Elephant" réussit l'exploit, en moins d'une heure et demie, et en se "contentant" de suivre ses personnages sans leur demander rien de plus, rien de trop, en nous plongeant dans une ronde incessante mais puissante !

Laurie Sacré, 6A