lundi 16 juin 2014

Analyse d'extrait: Bleu - Kieslowski

Analyse :
Extrait (0:10:06 – 0:12:05) (YouTube: https://www.youtube.com/watch?v=GlKRfljqbSM )


Forme :
Durant 7 secondes, une vue frontale est portée sur un plan d’ensemble montrant une résidence sur la moitié droite de l’écran, et des arbres remarquables sur la moitié gauche. Les deux éléments se rejoignent en un point de fuite qui est le ciel presque blanc à cause du soleil très lumineux situé au dessus de la maison. Les 5 secondes qui suivent sont un plan général de la terrasse de cette habitation. Une barrière est en premier plan, elle est oblique sur tout le long du plan. Les deux tiers gauches sont marqués par un vitrail bleu électrique. En face du vitrail bleu se trouve un vitrail noir similaire.  Entre ces deux vitraux, on peut apercevoir, au second plan, une main entre deux barreaux de la barrière blanche. C’est seulement au plan suivant qu’on voit Julie, l’héroïne, en plan épaule, endormie sur un fauteuil. Une lumière bleue apparait sur elle accompagnée d’une musique symphonique, celle-ci réveille alors Julie en sursaut. La caméra fait un traveling arrière et Julie la suit du regard. Ensuit un traveling avant est repris allant du plan américain jusqu'à un retour à la case départ : un plan épaule sur Julie. Entre deux notes de musique s’interpose la voix d’une femme. Les nuées bleues se stoppent et le regard de Julie se tourne vers la droite, là d’où vient cette voix hors champ. Un fondu noir masque alors l’image, mais la musique très puissante est toujours présente. Le fondu dure 7 secondes pour au final revenir sur le même visage, dans la même situation mais la prise vue n’étant plus située à gauche mais à droite. Son visage est donc tourné vers la caméra, à droite. Julie répond, ensuite le plan change en un cut sur une femme blonde, située au tiers droit de l’image. Elle est appuyée contre le vitrail bleu d’un plan précédent. Julie est en amorce sur le tiers gauche. Un clin d’œil en arrière plan est réalisé en référence au vitrail bleu : des stores bleus sont agencés sur la façade en arrière plan. Lorsque Julie se lève, elle est suivie par la caméra épaule en petit pano-traveling vers la gauche, mais l’angle de vue étant alors en contre-plongée. L’image suivante est celle de Julie, en plan épaule, s’adressant à la femme blonde. Julie est située sur la moitié du cadre, son regard tourné vers la voix en hors champ. Sur un cinquième droit de l’image, on peut apercevoir le vitrail bleu, sur lequel reflètent des ombres plus foncées. Après de nombreuses secondes, le plan change en un cut sur la femme blonde de face, et Julie de dos. Julie est en plan épaule, située sur le tiers gauche de l’image, on voit l’arrière de sa tête, sur un fond bleu qui est ce fameux vitrail. La femme blonde est elle, située sur le tiers droit. Elle est debout sur un fond composé d’arbres et d’une façade. Retour en un cut sur le même plan que le précédent. Julie se tourne et part en claquant la porte, la caméra la suit en traveling vers la gauche.

Fond :
Cette longue image où on voit la résidence, dans un calme absolu, accentue l’endroit en lui-même. En effet, le spectateur peut comprendre que c’est une maison de repos, de remise en forme pour les personnes en convalescence. Ces sortes de lieux ont effectivement été construits en Pologne, essentiellement dans les années 70 d’où Kieslowski en a certainement été inspiré. On peut imaginer l’état psychique et la fragilité de Julie après une si grande tragédie à laquelle elle a survécu. On a l’impression qu’elle est seule mais elle ne l’est pas véritablement. Le réalisateur vient d’un pays où la religion prend une grande place dans la vie de tous les jours, et les rayons de soleil travers les arbres et le toit, on pourrait croire à une représentation d’un Dieu bienveillant.
Assoupie dans son fauteuil, Julie se sent en sécurité. Mais elle se fait brusquement réveiller par une musique très puissante et une lumière bleue. Le spectateur ne s’attend pas à ce choc de la tranquillité au bruit. Il peut ainsi comprendre que ces deux éléments sont liés à son mari : la symphonie étant composée par celui-ci, et la couleur bleue représente la tristesse et le deuil. La musique représente en quelque sorte l’âme de son mari, qu’elle suit d’un regard consterné. Ce sont des souvenirs, tout se passe dans sa tête, son visage ne change pas, elle a un air triste.
Cette connexion avec son mari est interrompue par la voix d’une femme. Il faut alors à Julie un certain temps pour revenir à elle-même, à la réalité. Ce temps est marqué par un fondu au noir, qui est très spécifique dans le film en entier. On sent qu’elle est dérangée par cette présence inattendue. La journaliste représente le monde extérieur, contraire au monde paisible dans lequel Julie essaie de s’installer. Julie reste correcte dans ses réponses jusqu’à ce que la journaliste dépasse les limites acceptables et devient désagréable, puis s’en va pour couper cette discussion. Elle a besoin de calme et de paix, ce que la journaliste n’a pas respecté.
Durant la séquence entière, la couleur bleue est présente un peu partout (portes, vitres, tissus, etc). C’est ainsi que le réalisateur a voulu maintenir l’ambiance de tristesse, de peine et de froideur intérieure qui ne quitte jamais Julie.


Sonia Swiatlowski 5A